Pénétrant dans un somptueux jardin botanique où fleurissent toutes les saisons simultanément, je me suis laissée transportée dans l’univers ciselé et décoratif de MORITA Rieko. Divine enfant de l’école de Kyôto de nihon-ga (peinture japonaise traditionnelle), elle parvient à s’épanouir aussi bien dans la représentation analytique florale (kachô-ga) que dans le genre jimbutsu-ga spécialisé dans les portraits.
Après avoir étudié aux Beaux Arts de Kyôto toutes les techniques complexes du nihon-ga, demandant une grande maîtrise des couleurs fabriquées à partir de pigments minéraux liés à de la colle animale, MORITA s’est destinée à la peinture après avoir reçu de nombreux prix. Son travail est passé par plusieurs phases avant de se lancer à corps perdu dans l’observation minutieuse de la nature.
Ses peintures gardent tous les attributs de la tradition tout en portant en elles la forte personnalité de leur créatrice. Sur de riches fonds dorés, les branches sinueuses des arbustes centenaires contrastent, par leur texture esquissée, avec la précision des feuillages et des fleurs épanouies. Le graphisme et la recherche de la composition, souvent conçue sans dessin préparatoire précis, sont remarquables. La douceur laiteuse et mate des couleurs se marie magnifiquement avec la vibration des fonds métallisés de ses immenses paravents à multiples panneaux. Leur beauté donne l’illusion de pénétrer dans un monde onirique où la majesté des plantes vous invite à la rêverie et au bien être contemplatif.
Ses glycines auréolées de lumières, ses pivoines éclatantes ou ses chrysanthèmes araignées tentaculaires lui valurent tant d’admiration au Pays du Soleil Levant qu’on lui commanda la décoration de quatre portes coulissantes pour le pavillon résidentiel du célèbre temple Rakuon-ji de Kyôto, plus connu sous le nom de Pavillon d’or. Ces magnifiques peintures ont exceptionnellement fait le voyage jusqu’à Paris. Du 19 mai au 18 juillet prochain, on peut les admirer à l’Espace des Arts Mitsukoshi Etoile, 3, rue de Tilsitt.
Non contente de peindre des fleurs d’une manière si touchante, MORITA s’est frottée au bijin-ga d’une manière surprenante. Ce style de portraits traditionnels féminins, ou « peinture de beauté », ne cherche pas à faire une représentation réaliste du modèle, mais à magnifier la femme en une superbe poupée figée, telle une icône. Le mouvement est raide, les visages quasi identiques, les yeux mornes, mais une douceur, une perfection en émanent et fascinent. Les couleurs vives, associées à des fonds réalisés à partir d’une succession de feuilles d’or, d’argent ou de platine, interpellent. Alors que les portraits de maiko (jeunes geisha) drapées dans des kimonos richement décorés semblent une évidence, on est bien davantage surpris par ses femmes modernes ou exotiques (Égyptiennes dévêtues, Balinaises en costumes traditionnels). L’intérêt principal de ces dernières œuvres réside dans le travail de la couleur : la minutie des dentelles blanches donne une impression d’embossage grâce à l’épaisseur et la transparence de la peinture, les chevelures sont finement dorées pour en exprimer la brillance…
Comme pour montrer que, malgré sa maîtrise de la technique traditionnelle, MORITA reste bien ancrée dans l’air du temps, elle a réalisé trois œuvres inédites dont l’inspiration a directement été puisée au sein de la jeunesse japonaise et que ne peut renier la fan de kawaî que je suis !
Je ne saurais que trop vous conseiller de découvrir cette artiste de talent. Et si vous êtes déjà impressionné par la galerie de son site
www.morita-rieko.com, sachez que les photos ne sont rien comparées à la lumière que dégagent les monumentales et chatoyantes œuvres présentées. Une exposition à ne manquer sous aucun prétexte !