
Voilà 600 ans que les Japonais pratiquent l’art de l’emballage avec du papier. À cette époque, les aristocrates avaient pour habitude de distribuer de petits présents en profitant de tous les événements de la vie. C’est ainsi qu’est né l’orikata (ou origata), l’origami cérémonieux. Il permet d’envelopper des objets, tout comme de l’argent, des missives ou des poèmes destinés à transmettre ses douces pensées ou sa bienveillance et son respect au destinataire. Cette tradition, imaginée par les samouraïs, demande un état d’esprit concentré et calme, des matériaux de qualité (papier artisanal, washi), ainsi qu’une sincère pensée pour la personne honorée. La coutume de l’emballage avec du papier washi blanc est apparue pendant la période Heian (794 à 1185), mais c’est durant la période Muromashi (1336 à 1573) que l’oritaka proprement dit fut codifié.
En 1764, Sadatake Ise, responsable de l’étiquette du shôgunat d’Edo, publia un ouvrage de référence, l’Hoketsuki (Emballages et nœuds) qui donna lieu à une lignée de livres sur le sujet.
L’origami (de oru, plier, et kami, papier), lui, correspond principalement à la création sculpturale d’animaux, d’objets ou de végétaux. Il est apparu plus tard et, à l’origine, découle davantage d’une distraction enfantine. Toutefois, les créations concernant ce dernier sont parfois de véritables œuvres d’art qui demandent une maîtrise magistrale. Rien que les pliages de grues, oiseau symbolique du Japon, peuvent se décliner de nombreuses façons. (Explications de deux modèles classiques ici)
L’un des plus anciens ouvrages d’origami connu à ce jour fut publié en 1797 par le moine Rokoan Gido. Il concerne de nombreux modèles destinés à assembler ces volatiles et s’intitule Senbazuru Origata (Le pliage de mille grues).
L’orikata est indissociable des fêtes importantes comme les mariages ou le passage du nouvel an. Il doit être réalisé en papier uniquement plié, l’usage des ciseaux et de la colle étant proscrit lors des tels événements. Il est censé laisser deviner ce qu’il enferme (le pliage correspond au contenu, par exemple pour du poivre…), tout en s’adaptant à la saison.
On l’associe souvent à un autre art splendide, le mizuhiki no musubi. Il s’agit du nouage décoratif de fils relativement rigides formés à partir d’une bande de papier de mûrier torsadée et encollée (mizuhiki). Leurs couleurs sont principalement le blanc, le rouge, le noir, l’argent et l’or. Les nœuds (musubi) ont diverses significations, et peuvent représenter des animaux (grue, tortue…), ou bien former, en les associant, de petites corbeilles ou paniers. Ils ne sont pas destinés à être réutilisés, ce qui les apparente à des sceaux.
Les emballages peuvent également être décorés de noshi, des pliages porte-bonheur. Ceux-ci sont des cornets de papier blanc (parfois avec du rouge) enserrant une bandelette jaune. Elle symbolise un morceau d’ormeau émincé, (nommé noshi awabi au Japon ou noshita awabi, littéralement « oreille de mer »), que les marins séchaient pour se nourrir sur les flots. Autrefois, ce coquillage était un présent très prisé offert au retour de voyage. Il s’agissait également d’une offrande destinée aux dieux. Le Bouddhisme interdisant de manger de la viande pendant les périodes néfastes, attacher de tels morceaux d’ormeau séché à ses présents signifiait que l’événement était heureux et de bon augure.
Parmi les différents types d’enveloppes ou de petits sachets, les tatô sont associés au kaishi, un fin papier destiné à l’écriture des poèmes ou à l’emballage de petits objets. Leur fonction est de se glisser facilement dans une poche ou dans les plis des kimonos, et ils doivent pouvoir s’ouvrir et se refermer facilement. Leur nom vient de tatamu (plier) dans le sens où l’objet plié doit pouvoir revenir à sa forme initiale (on l’applique aussi aux kimonos et aux furoshiki).
Si sa forme finale ressemble à une fleur, on l’appelle hanatatô.
Le pliage de papier utilitaire se pratique également dans l’art de la table. Entre boîtes décoratives pour emballer bentô et gâteaux et protections pour baguettes et autres couverts, il a pour vertu d’insister sur l’irréprochable propreté des objets et aliments servis aux convives.
J’ai commencé à préparer les explications de quelques oritaka et tatô qui ne me semblent pas souvent proposés dans les ouvrages français sur les origamis, afin de vous les proposer dans mes prochains posts. Histoire de joindre l’utile à l’agréable…
Quelques liens en français et en anglais sur le sujet (d'où proviennent les illustrations utilisées ici).
Galerie d’origami :
http://www.origamido.com/e-gallery/index.html
Enveloppe pour les étrennes (vidéo) :
http://www.youtube.com/watch?v=BPQGwn6C0OA
Historique :
http://www.geneve.ch.emb-japan.go.jp/cultureeducation_origami_f.htm
http://web-japan.org/nipponia/nipponia41/fr/
Pages du Senbazuru Origata :
Le mizuhiki :
http://mizuhiki.jp/english/sakuhin/sakuhin.html
Tout savoir sur le papier japonais :