À la toute dernière minute, j'ai réussi à profiter de la dernière exposition de l'Espace Mitsukoshi Étoile à Paris. J'apprécie énormément ce lieu car il est peu connu et permet de profiter des œuvres sans se sentir oppressé. Ses salles à l'ambiance feutrée sont parfaitement en rapport avec la simplicité des créations nippones. Cette fois-ci, il s'agissait d'une exposition de calligraphies et de céramiques vibrantes de simplicité, présentant un vaste panorama des styles et des couvertes nippons, pourtant nées des mains d’un seul homme…
Si vous êtes touché par les poteries japonaises à l'aspect brut et irrégulier, ou par les monumentales calligraphies à l'encre de Chine, courrez vite profiter de cette rétrospective de l'œuvre de l'artiste, car elle se termine samedi prochain (15 mai), vous ne le regretterez pas !
26e chef de la prestigieuse famille de samouraïs Hosokawa, perdurant depuis 700 ans, Morihiro, ancien Premier Ministre du Japon, décide de se retirer à l’aube de sa soixantième année pour se consacrer aux plaisirs des arts traditionnels. Architecte de son propre atelier retiré au cœur du village isolé de Yugawara (Kanagawa), il emploie son temps suivant l’expression nippone « à cultiver son jardin les jours où il fait beau et à lire en paix les jours de pluie ».
Partagé entre ses diverses passions, il excelle dans la calligraphie, et maîtrise l’art de la céramique, à tel point qu’Issey Miyake dit de lui qu’il voit « dans ses actes et dans ses engagements, une illustration exemplaire de ce que la culture japonaise offre de meilleur » et se surprend « à l’envier et presque à lui en vouloir de faire ressortir (sa) propre médiocrité »…
Ayant appris auprès de son maître les diverses techniques difficiles des styles traditionnels nippons (Raku, Shigaraki, Shino, Kôrai…), pour lesquels il semble insatiable, il parvient à se les approprier pour concevoir ses propres créations, toutes plus sensibles les unes que les autres. Perpétuellement à la recherche des rendus les plus complexes des œuvres antiques qu'il admire, il allie le savoir ancestral et ses propres expérimentations pour plier l’art subtil et insaisissable de la céramique à sa volonté : noir profond des bols Raku, couleurs « de feu » des grès Shigaraki, dosage parfait des décorations ferrugineuses des céramiques Shino…
Ses formes sont classiques mais d'une grande beauté. Quasiment exemptes de motifs décoratifs, elles sont guidées par les caprices du feu !
Morihiro Hosokawa connaît la durée de cuisson à la minute près pour obtenir le noir, héritage de Chôjirô Raku, qui lui est si cher. Opération délicate, car celle-ci ne s'obtient qu'en dosant parfaitement l'épaisseur de l'argile. Son autre expertise se découvre à travers ses œuvres en grès Shigaraki dont la cuisson se poursuit pendant 7 jours et 7 nuits, alimentée constamment en bois pour conserver une température de 1200 °C, afin d'obtenir les effets étonnants qui lui sont propres.
L’exposition, outre le plaisir de contempler ses outils, reconstitue le pavillon de thé Ichiyatei, situé au-dessus de son atelier. Les objets utilisés lors de la cérémonie du thé sont le point d’orgue de son œuvre. Il crée aussi bien des pots employés pour conserver les feuilles, des bols aux formes subtiles, que des mizusashi (récipients pour l’eau froide), sans oublier les « cuillères » de bambou qu’il choisit de laquer.
C'est la céramique qui l'a mené à pratiquer l'art magnifique de la laque. Au Japon, elle permet de recoller les pièces de céramiques brisées en l'associant à de la poudre d'or. Quelques-uns des bols exposés présentent de décoratives marbrures de laque dorée ou rouge suivant les tessons ainsi recollés, qui apportent une nouvelle dimension à la pièce, la magnifiant même.
Seuls quelques rares tableaux montrent son travail de la laque, et une simple cerise ma totalement conquise !
On remarquera également au cours de l'exposition, la sensation de bien-être offerte par la scénographie mettant en valeur la statuaire de l’artiste reprenant des animaux traditionnels, des lanternes et des divinités à l’aspect si délicat qu’on les croirait venues d’un autre âge… Présentées au cœur d'un jardin de mousses et de végétaux disposé dans une des salles, elles semblent gravées dans la pierre et abandonnés là depuis des millénaires !
Une exposition qui comble, par sa diversité homogène (!) et sa qualité, tout amoureux du Japon traditionnel, émerveillé par un échange entre la maîtrise des arts du feu et celle de la poésie, dans leur plus grande et merveilleuse simplicité !
Espace des Arts MITSUKOSHI – Étoile 3, rue de Tilsitt, Paris 8e
Jusqu’au 15 mai, de 10 h à 18 h, sauf dimanche et jours fériés.
Entrée 6 euros (gratuit pour les étudiants).